lundi 17 septembre 2018

Evaluations des politiques de formation

  - Les soutiens aux formations supérieures initiales    permettent de s’approcher de l’objectif de 50% des 17 à 33 ans obtenant un diplôme de l’enseignement supérieur en 2015 (de 42% en 2005 à 47% en 2011, PLF p.8).
- S’agissant de l’insertion professionnelle des jeunes diplômés, les résultats sont proches, mais s’éloignent depuis quelques années des objectifs d’emploi (93% en emploi 7 mois après les BTS et DUT et 30 mois après les Licences ou Masters) en surtout d’emploi « permanent » (CDI et CDD de plus de 6 mois).
- En revanche, la proportion de diplômés du supérieur dont les parents sont ouvriers ou employés est toujours faible (20% pour les enfants d’ouvriers non qualifiés à 75% pour les enfants de cadres ou enseignants) et décroît depuis 10 ans :
o   La majeure partie de ces inégalités intervient dès le niveau « scolaire » via les différences d’accès au bac selon les milieux sociaux (40% vs. 90%) et les différences de proportion de bacheliers professionnels (dont moins de la moitié poursuivent une formation supérieur, Refs stats p.213) ;
o   Lorsque les formations supérieures sont engagées, les taux de réussite sont nettement plus proches, bien qu’encore différenciés (70% vs. 90%) et ces différences subsistent encore dans les reprises de formation (Céreq 2014).
- Les systèmes de bourses permettent d’augmenter l’accès et de limiter les « décrochages » dans le supérieur mais de manière assez limitée. Par exemple, une comparaison des taux d’inscription entre étudiants juste en dessous vs. au dessus du seuil permettant d’obtenir 1500 euros de bourse indique des hausses de 1 à 5% des taux d’inscription aux différentes années de licence (quasi aucun effet pour les années 2 et 3) et de master (Fack & Grenet, Ined 2013). En effet, ces aides ne sont pas suffisantes pour limiter significativement les difficultés financières et le recours aux emplois parallèles pour financer les études, alors que ces situations augmentent fortement les décrochages étudiants à niveau scolaire équivalent (Insee 2013 p.15-16).
- Les politiques de sélection à l’entrée des formations « courtes » ont un impact très négatif sur le décrochage étudiant, car une part importante des décrochages découlent d’orientations « forcées » vers l’université (plus de 25% des décrocheurs dans Génération 2001 p.21), alors que les sorties sans diplôme des BTS et DUT sont moins fréquentes à niveau scolaire équivalent. En effet, les modalités d’encadrement et d’évaluation des Universités sont généralement peu adaptées aux étudiants dont le niveau scolaire est peu élevé, voire pour une partie des « bons élèves »  au lycée (Céreq 2009).
- La dépense publique par étudiant est très inégalitaire (de 3000 €/an à plus de 50 000 €/an, voir politiques de formation, principalement en faveur aux étudiants issus des familles aisées, étude Cerc/ Edhec 2008 + source récente ?) et orientée sur les formations les moins prioritaires en termes d’amélioration des compétences et de réduction du chômage des jeunes :
o   Les grandes écoles sont très coûteuses par étudiant (plus de 30 000 €/an en moyenne à plus de 100 000 €/an, voir politiques de formation), alors que les étudiants sélectionnés sont déjà très qualifiés, autonomes et nettement moins soumis aux risques d’insertion dans l’emploi durable ;
o   L’apprentissage est fortement subventionné (« Jaune » 2014 p.36), or il sélectionne généralement les jeunes de niveau Cap et surtout Bac ou Bac+2 (en forte hausse) qui ont le moins de problèmes d’insertion et n’intéresse qu’une part limitée des entreprises. Le taux de chômage à 3 ans des apprentis est certes plus de 2 fois inférieur à celui des diplômés « scolaires » du même niveau (hors ingénieurs), mais ces différences s’expliquent principalement par les très fortes différences de profils entre ces étudiants, les apprentis sélectionnés étant davantage issus de familles et de territoires moins défavorisés (Céreq 2016), avec des atouts relationnels et motivations généralement plus élevés. Environ ¼ de cet écart s’expliquant par ailleurs par les différences de filières typiques de ces « voies », l’apprentissage étant particulièrement développé dans des secteurs où le chômage est plutôt réduit (spécialités industrielles masculines vs. tertiaires féminines) + Eval apprentissage 2015
- Peu d’évaluations approfondies des effets des formations supérieures sur l’amélioration des compétences semblent disponibles (?). En revanche, de multiples évaluations des effets des modalités de formation ont été réalisées dans des conditions quasi-expérimentales (+ exemples de recherche pédago ?)


Formation continue

- A l’inverse des objectifs et enjeux affichés, les salariés les plus qualifiés (notamment de la fonction publique et des grandes entreprises) ont toujours un accès à la formation continue 3 à 4 fois supérieur à celui des salariés les moins qualifiés (notamment des petites entreprises) et des demandeurs d’emploi (plus de 70% contre +ou- 20% d’accès par an, Céreq 2014 p.27 et Insee 2013) :
o   L’accès à la formation des salariés non diplômés est très inférieur à celui des pays comparables, soit moins de 30% contre plus de 50% en Suède par exemple.
o   L’essentiel de ces formations sont très courtes (moins de 20h, Insee 2013 p.3), les durées de formation des salariés les plus diplômés sont 3 à 6 fois supérieures à celles des non-diplômés (Céreq 2014 p.35)
o   L’accès aux formations continues diplômantes est globalement limité (moins de 5% pour les 30-50 ans, Insee 2013) ;
o   Les formations suivies sont très rarement choisies par les ouvriers et employés, avec une fréquence (6% et 12% ayant choisi eux-mêmes leur formation) 3 à 4 fois inférieure que par les cadres (28%) ;
o   Depuis la réforme de 2014, les obligations de financement des entreprises de plus de 10 salariés sont à 0,6% de la masse salariale, mais elles dépensaient en moyenne 2%, soit plus d’1% au-delà de l’obligation légale, voir dossier de presse p.20)
- Le financement public des formations continues est extrêmement peu lisible (voir Bilan AN p.26 et Eval Igas p.29) avec beaucoup d’intermédiaires, dont les frais de gestion sont souvent très élevés (10% à 12%, Bilan AN p.29-32) et une responsabilisation faible des multiples financeurs (Cdc 2013 p. 96) et des organismes de formation (dont les pratiques frauduleuses semblent fréquentes, Bilan AN p.41) ;

- Le système d’information sur la formation continue est extrêmement éclaté et peu adapté aux publics prioritaires (Eval Igas p.39-41). Malgré les bases de données constituées sur l’offre des 58 000 prestataires, l’information sur l’offre de formation disponible est rarement harmonisée, consolidée et à jour, hormis dans certains cas (exemple de la base Prosper Rhône-Alpes, Bilan AN p.38-39). Pour autant, les services d’orientation aux niveaux national et régional sont en cours de réorganisation et que le nouveau système d’information sur l’offre de formation n’a été mis en service qu’en 2014.

  - Globalement, les effets sur l’emploi des formations sont essentiellement « substitutifs » : les « retours à l’emploi » des chômeurs formés se font très probablement au détriment de chômeurs non ou moins formés. Par ailleurs, l’élévation du niveau de formation des demandeurs d’emploi réduit, au niveau collectif, leur probabilité d’insertion dans l’emploi, dans la mesure où le « bonus » de qualification est réduit et ceci d’autant plus en phase de croissance limitée (Eval Igas p. 21-22), ce qui rejoint le constat plus général de « limitation de l’avantage économique du diplôme » dans les pays ou les générations dans lesquels la proportion de diplômés du supérieur est forte (voir enjeux).
- Le seul effet potentiel des formations sur l’emploi « non pourvu » ne semble pas avoir été évalué de manière approfondie :
o   Compte tenu du volume estimé d’emplois non pourvus (300 000 au maximum) et des autres facteurs expliquant cette inadéquation (notamment les conditions et la localisation des emplois, Synthèse COE), le potentiel d’impact serait au mieux limité à 2% des demandeurs d’emploi (voir enjeux).
o   De plus, cette « adéquation » entre diplôme et métier est principalement constatée pour les métiers dont l’accès est réglementé par le diplôme (notamment dans la santé) et pour les métiers de l’artisanat (fortement liés à l’apprentissage).
o   En revanche, pour la grande majorité des emplois, il est constaté un lien plutôt faible entre la spécialité de formation et le type d’emploi, y compris en début de carrière (Dares 2005, Prao 2007).
- L’observation des métiers et qualifications est encore très éclatée (environ 30 Oref-Carif  au niveau régional et 120 Observatoires de branches liés aux OPCA) et permet rarement d’orienter les offres de formation, la plupart de leurs travaux étant peu prospectifs et peu connus (Bilan AN p.53). Les entreprises parviennent rarement à connaître leurs besoins de main d’œuvre à plus de 2 ans et seuls son précisément étudiés les effets induits d’investissement publics lourds et planifiés à long terme (ex. Démolition et rénovation de bâtiments ou construction d’infrastructures numériques) (Igas Oref 2010).

Formation continue des demandeurs d’emploi
- Une part limitée des demandeurs d’emploi a accès à la formation continue : environ 600 000 en 2011 sur plus de 6 M de personnes ayant été demandeur d’emploi dans l’année dont 3 M depuis plus d’un an (Dares p.14).

o   De plus, ce public normalement « prioritaire » bénéficie de moins de 20% des dépenses de formation continue (voir politiques de formation), soit plus de 2 fois moins (par personne) que les fonctionnaires et salariés des grandes entreprises.
o   Parmi les demandeurs d’emploi, le ciblage des bénéficiaires par les prescripteurs semble en revanche plutôt adapté (ex. 40% d’accès pour les handicapés accompagnées par Cap Emploi), mais les moins qualifiés sont sous-représentés parmi les bénéficiaires (plus de 56% des demandeurs d’emploi ont un niveau initial inférieur au bac, mais ils représentent moins de 43% des bénéficiaires de formation, Dares 2011 et Pôle emploi 2014),
o   Cette sous-représentation s’explique principalement en raison de la complexité des démarches et des coûts associés qui découragent principalement les chômeurs de longue durée et/ou moins qualifiés (Eval Igas p.59 et Insee 2013 p.4) et de l’absence de « quotas » pour la sélection des entrées en formation dans la plupart des cas.
o   En effet, les organismes de formation sélectionnent plutôt les profils « à potentiel », d’autant plus qu’ils sont généralement mieux rémunérés lorsque leur stagiaires n’abandonnent pas en cours de formation et/ou s’insèrent rapidement dans l’emploi (Eval Igas p.30-38).
- Malgré les durées plutôt longues de ces formations (+ou- 5 mois en moyenne), peu de formations visent une certification (35% visent un diplôme et 23% un autre type de certificat professionnel, Dares 2011 ), notamment parce que les formations diplômantes sont souvent plus longues, rythmées par les années scolaires et utilisent rarement des validations intermédiaires (à l’exception de celles du Greta). Ces validations intermédiaires permettant de conserver les avantages d’une formation débutée tout en profitant d’une opportunité d’emploi en cours de formation (Eval Igas p.30).
- En conséquence, la part des 45-65 ans peu ou pas qualifiés en France reste très importante, ce qui explique notamment le niveau très faible des compétences des adultes français estimé par l’enquête PIAAC de l’OCDE : 20 à 30% des français ont un niveau « faible » à l’écrit ou en calcul, ce qui place la France entre la 21ème et la 22ème place sur 24 pays de l’OCDE (Insee PIAAC 2013).
- Le plan « 500 000 formations supplémentaires » pour les demandeurs d’emploi mis en œuvre entre début 2016 et début 2017 + éval Plan 500 000
- Les effets directs des formations continues sur l’insertion des demandeurs d’emploi sont peu connus (peu de données nationales existent depuis 2006, les enquêtes régionales ont généralement des taux de réponses peu élevés et sont déléguées aux organismes de formation dont la rémunération dépend des résultats…Eval Igas p.3 et 65) mais les insertions à 6 mois semblent généralement limitées (ex. 30% de retour à l’emploi « durable » pour les stagiaires de Pôle Emploi en 2012, 55% de retour à l’emploi dont 16% en CDI pour les stagiaires de la Région Ile de France en 2010, Eval Igas p.21). En revanche, les formations ont des effets généralement significatifs sur le « moral » des demandeurs d’emploi (Eval Igas p.23) et leur employabilité à long terme (58% des bénéficiaires déclarent « avoir trouvé un emploi grâce à la formation » 2 ou 3 ans après l’avoir suivie (Dares 2011).

Formation continue des salariés
- Les formations des salariés financées au titre du « Plan de formation » (~9 Mds €/an, soit ~45% des dépenses de formation continue, versées directement par les entreprises ou par les Organismes Paritaire Collecteur Agréé, voir politiques de formation) bénéficient principalement aux salariés les plus qualifiés.
  • En effet ces dépenses ne sont pas ciblées et les employeurs utilisent souvent ces formations comme un « avantage » pour leurs cadres, alors qu’ils sont rarement préoccupés par l’employabilité de leurs salariés les moins qualifiés, voire réticents à l’amélioration de leur qualification (qui implique des hausses de salaires dans la plupart des secteurs) ;
  • De plus, la mutualisation partielle du financement des formations n’opère pas de redistribution au profit des petites entreprises principalement en raison du système de financement des OPCA (en cours de réforme) : afin d’attirer plus de cotisations des grandes entreprises (qui peuvent choisir de financer directement leurs formations) et ainsi accroître leurs plafonds de frais de gestion (et de financement des syndicats), ces « intermédiaires » promettent un « retour sur investissement » (Bilan AN p. 32-35).
o   Par ailleurs, les « Périodes de professionnalisation » (~600 M €/an, voir politiques de formation) sont moins utilisées (~2% des salariés en 2011) et plus courtes que prévues (+ou- 70h) et les inégalités d’accès selon la taille de l’entreprise sont également importantes (Céreq 2014 p.40). Pour autant, (Bilan AN p.).
- Le « Congé Individuel Formation » (CIF) est le seul dispositif à l’initiative des salariés (droit opposable à l’employeur sans son accord après 2 demandes et 1 an) et bénéficiant aux salariés les moins qualifiés et aboutissant à des améliorations des niveaux de qualifications (Bilan AN + Eval 2014). En effet, les formations financées :
o   Concernent à 82% des ouvriers ou employés et à 64% des personnes ayant initialement un niveau de qualification égal et inférieur au Bac ;
o   Leur durée sont en moyenne d’environ 800 heures, avec 70% à 85% de certifications obtenues à l’issue (Cif-CDD vs. Cif-CDI) ;
o   L’insertion professionnelle 1 an suite au CIF est proche de 95%, y compris en cas de transitions « externes » : ce taux d’insertion est donc à un niveau particulièrement exceptionnel pour ces profils de qualification initiale, même si leur degré de motivation est probablement important et limite les éventuelles comparaisons avec les personnes n’ayant pas bénéficié du CIF ou ayant bénéficié d’autres dispositifs « similaires ») ;

Malgré l’ensemble de ces effets et impacts positifs, le coût élevé de ces formations semble avoir incité à en restreindre la diffusion, avec moins de la moitié des demandes de CIF financées la plupart des années, alors même que seulement 50% des 18-64 ans avaient « entendu parler » de ce « droit » en 2012.
- Le « Droit Individuel à la Formation » (DIF) a connu une diffusion et des effets particulièrement limités :
o   Le moins de 5% des salariés en bénéficie chaque année pour moins de 22 heures en moyenne), environ 62% des des salariés visés qui n’en connaissaient pas l’existence en 2012 (Bilan AN  + Geste)
o   Les rares formations cofinancées sont similaires voire substituées à celles relevant des obligations de formation des employeurs (ex. demandes de DIF « collectives » identiques entre employés de mêmes groupes), avec des durées similaires (de +ou- 22 heures alors que des durées de 120 heures étaient possibles), notamment en raison de la nécessité d’obtenir un accord de l’employeur pour obtenir ces financements.
o   De plus, ces droits n’étaient pas « transférables » entre différentes entreprises (ou sous forme d’un compte plafonné à 9 euros/heure, soit 3 à 10 fois moins que le coût horaire moyen selon les formations), ils ont donc été « perdus » pour les salariés les plus exposés à des changements d’employeurs et de métiers, qui devaient pourtant en être la cible prioritaire. Cette incohérence du dispositif avec les cibles a priori priotaires se manifestant également dans les droits réduits au prorata de leur temps de travail annuel pour les personnes en CDD ou à temps partiel, pourtant les moins qualifiées et les plus exposées au chômage.
- Le Compte Personnel de Formation (CPF) améliore le DIF (qu’il remplace depuis 2014), notamment car il maintien les droits acquis de 20 heures par an pour les personnes en CDD et changements d’entreprises en général et peut être utilisé sans l’accord de l’employeur (mais principalement hors du temps de travail, hors cas particuliers) et de Pôle emploi (si il finance entièrement la formation choisie).
o   Pour autant, le CPF reste un dispositif marginal pour financer les formations : jusqu’à 32 heures mobilisés pour financer des formations de demandeurs d’emploi de 262 heures, mais 7 heures sur les 80 pour les salariés en 2016).
o   De plus, comme pour le DIF, les principales formations mobilisées devraient être financées au titre des obligations des employeurs (notamment les habilitations de conduites de matériels de type Caces, voir Cereq 2016). + Eval quali Pluricité


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