- Le renoncement aux soins estimé « sur les 12 derniers mois » concerne entre 25 et 35% de la population (selon les modalités d’étude), principalement parmi les plus modestes et avec une moyenne de 2 soins ayant fait l’objet d’un renoncement par an, dont notamment les prothèses et soins dentaires (ex. 38 et 33% des personnes ayant renoncé dans Odenore 2016), mais également les consultations de gynécologie (18%), d’ophtalmologie (20%) et de généralistes (13%), ainsi que les actes chirurgicaux (8%).
- Le niveau du reste à charge et l’avance des frais sont de loin les principales raisons à ces renoncements (ex. 59 et 32% dans Odenore 2016), devant les délais de rendez-vous trop longs (12%).
- Les restes à charge élevés sont principalement dû aux dépassements d’honoraires dont le niveau global est très élevé en médecine (+60% en 10 ans, à 2,7 Mds d’euros en 2016 hors dentaire), principalement pour les consultations de spécialistes (environ 45% sont en dépassement de 52% en moyenne en 2016) ainsi que pour les soins et prothèses dentaires (5,5 Mds d’euros en 2016, soit environ 50% des honoraires totaux)
Principales
modalités/conditions
|
Coût/avantage
par bénéficiaire
|
Dépense
publique /an (2016)
|
Principaux
« résultats »
|
Evaluations de
l’efficacité / efficience*
|
Impacts
éco / sociaux*
|
|
Soins de « ville »
réalisés par les médecins, dentistes, ou auxiliaires
médicaux (infirmiers, kinés) et laboratoires libéraux
|
Honoraires libres (secteur 2) ou conventionnés
(secteur 1) à des tarifs de « base » pris en charge à 60 ou 70% en
général*
|
540 €/an
(par patient =
habitant)
|
~ 35 Mds €
(67% des 52 Mds de dépenses totales)
|
? consults/an
pour 130 000 médecins, 40 000 dentistes et 240 000 auxiliaires
médicaux
|
- / (+/-)
|
- /
- -
|
Principale source : Comptes
Santé 2016 * hormis pour les personnes en ALD (100%) ou affiliées au régime
d’Alsace-Moselle (90%)
- Les
incitations mises en place pour limiter les dépassements ont permis de contenir
leur augmentation, mais sont particulièrement peu efficientes :
o La hausse des dépassements d’honoraires est davantage
contenue depuis 2012 (+2,3%/an vs. + 4,6%/an), probablement en lien avec les
contrats incitatifs mis en place (CAS puis Optam en 2017), qui permettent à des
médecins de secteur 2 de bénéficier d’allègements de cotisations et de tarifs
revalorisés (sur leurs actes sans dépassement) en échange d’un engagement à
limiter leurs dépassements à moins de 100% (!) et à les stabiliser ;
o Pour autant, l’efficience
de ces mesures incitatives (PAM pour inciter au conventionnement et CAS pour
limiter les dépassements) est limitée à
très limitée dans la mesure où leur coût (2,6 Mds/an au total dont ~ 0,3Md pour le CAS en 2017) est nettement plus
important que le principal bénéfice supposé depuis 2012 (+ou- 60 M d’euros/an
évités en hypothèse haute pour les CAS, voire moins de 20 M d’euros en 2015 Cour des
comptes), alors que les incitations au conventionnement n’ont en revanche pas
permis de limiter la croissance du secteur 2
« libre », notamment pour les spécialistes (passés de 38% en secteur
2 en 2003 à 45% en 2015)
- De plus, les médecins signataires (environ 15 000 fin 2017 sur environ 30 000 en secteur « libre », dont 79% de spécialistes) auraient peut-être limité leurs dépassements sans cette mesure.
- Cette
limitation « financière » de l’accès aux soins est aggravée par
l’écart croissant entre zones surmédicalisées et sous-médicalisées :
- La « densité » médicale varie de 1 à 160 médecins libéraux pour 10 000 habitants selon les bassins de vie et de 1 à 3 selon les départements (Atlas médecins), et plus de 10% des français sont situés à plus de 30 minutes de la plupart des spécialistes (IRDES 2011) et 6% (4 millions de personnes) à plus de 30 minutes d’un services d’urgences (dans un hôpital ou dans un véhicule équipé du SMUR, Sénat urgences 2017)
- Pour autant, les freins liés à l’éloignement (raison principale dans moins de 10% des cas) restent nettement moins importants que les freins financiers (entre 50 et 60% des cas), même si ils peuvent se cumuler (Odenore 2016).
- Comme pour les tarifs médicaux, aucune obligation ne permet de réguler les installations des professionnels de santé de « ville », contrairement au cas des pharmacies (Insee pharma), dont les écarts de densité entre régions sont nettement moins importants ;
- Plusieurs types d’incitations sont proposées localement, en particulier dans le cadre de maisons de santé ou d’incitations individuelles, mais les évaluations disponibles indiquent des impacts très limités, la plupart des bénéficiaires d’incitations se seraient installé dans les zones sous-médicalisées ciblées pour d’autres raisons (notamment familiales, voir évaluations incitations + maisons de santé à venir)
- Le système
tarifaire implique des rémunérations inversement proportionnelles à la qualité
des prises en charge :
o
Les rémunérations libérales (plus de 90 000 € net/an en moyenne pour les
160 000 médecins et dentistes libéraux en 2008), sont sans lien avec le temps passé ou la complexité des actes, mais
principalement liées à la survalorisation des actes techniques (IGAS
2009, p.5), aux consultations écourtées (+40 000 €/an en passant
de 15mn à 10mn par consultation) et aux dépassements (voir plus haut)
o
De plus, les rémunérations importantes sont
associées à des taux plus importants de refus de soins(fortement liés aux
pratiques de dépassements, CMU 2009).
- Le
maintien d’un numerus clausus sur la formation des médecins et de certains
auxiliaires accentue les difficultés d’accès aux soins et les fortes rémunérations médicales, avec un risque
de pénuries dans les années à venir :
o
La formation des médecins étant longue, le ralentissement des effectifs
n’est pas compensé par la hausse continue du numerus clausus, qui
s’établit à 8 124 places en 2016 (tableau), soit plus du double du niveau en
vigueur jusqu’en 2001. En 2016, le numerus clausus continue d’accélérer
sensiblement à +6,3 % après +2,0 % en 2015 et +0,1 % en 2014 (Sénat urgences 2017) près
de la moitié des médecins en France sont âgés de plus 55 ans ! Il y a
urgence, c'est pourquoi en septembre 2017 a été décidée une hausse
additionnelle de 6 % du "numerus
clausus" d’étudiants admis en deuxième année de médecine (de 7633 à
8124), concentrée dans les facultés de médecine qui se trouvent dans des
"déserts médicaux"
- De plus, cette forte sélection à l’entrée des études de médecine n’est pas basée sur les compétences médicales (examens théoriques, y compris de mathématiques), ne permet aucune actualisation des compétences qui est largement prise en charge par les laboratoires pharmaceutiques, ce qui explique une part importante du mauvaises et sur-prescriptions constatées en France et des scandales sanitaires (Rapport médiator).
- Les services et tarifications hospitalières concernent les soins réalisés
dans les hôpitaux publics (80%) ou privés (20%) dans le cadre d’hospitalisations
ou de consultations (hors médicaments)
Principales
modalités/conditions
|
Coût/avantage
par bénéficiaire
|
Dépense
publique /an (2016)
|
Principaux
« résultats »
|
Evaluations de
l’efficacité / efficience*
|
Impacts
éco / sociaux*
|
|
Soins hospitaliers
Réalisés dans les hôpitaux publics (80%) ou privés
(20%) dans le cadre d’hospitalisations ou de consultations (hors
médicaments)
|
Paiement des hôpitaux selon les actes réalisés (T2A)
et une part forfaitaire (x%)
Hospitalisations prises en charge à 80% hors forfait
hospitalier (20 €/jour) ou à 100% pour les maternités et ALD
|
7400 €/an
(par patient)
|
~ 82 Mds €
(93% de 88 Mds de dépenses totales)
|
25 M séjours/an
20 M de passages aux urgences/an
11 M patients/an
|
+ / (+/-)
|
++
/ ++
|
Sources : Comptes
Santé 2016
- Les
surcoûts et difficultés d’accès à l’hôpital sont en partie liés aux difficultés
d’accès aux soins de ville, mais également au rationnement de l’offre d’hospitalisation
post-urgence :
o
Les freins financiers à l’accès aux médecins de
« ville », qui expliquent
la majeure partie des renoncements, expliquent une partie de la très forte
augmentation de la fréquentation des services d’urgence (+42% entre 2002 et
2015) et expliquent également la
majorité des consultations « non adaptées » en services d’urgence (Sénat urgences 2017).
Ces consultations qui auraient pu être réalisées dans un cabinet médical (pour
un coût moins élevé et un moindre impact des délais de prise en charge)
représentent environ 35% des passages aux urgences, le plus souvent suite à des
démarches non abouties auprès de professionnels de santé dans les 24 heures
précédentes (32% de l’ensemble des passages aux urgences, selon une étude de la
Dress).
o
L’accessibilité
limitée croissante des médecins de ville contraste en effet avec l’accessibilité encore très forte des
hôpitaux et services d’urgence en particulier, à la fois du point de vue
financier (absence d’avance des soins et de dépassements, hors certaines
hospitalisations programmées), géographique (moins de 6% de la population
habite à plus de 30mn d’une aide
médicale d’urgence hors hélicoptère, vs. 8% en 2012) et des plages horaires
(ouvertures après les horaires de travail, le soir et le week-end), avec la
possibilité de réaliser dans un même lieu consultations et examens).
o
Les délais globaux de prise en charge sont en revanche
en dégradation, mais de manière très
variable selon les territoires (< à 2 heures au total pour les passages sans
hospitalisation dans la plupart des hôpitaux, mais nettement plus pour les gros
services d’urgence notamment en Ile de France). Cette dégradation des délais de
prise en charge s’expliquant davantage
par la réduction des lits d’hospitalisation (source
éval et/ou littérature), dont le rationnement contraint les services
d’urgence à fortement augmenter le temps consacré aux cas les plus lourds (vs.
des consultations « légères » peu adaptées et nombreuses, mais moins
consommatrices de ressources en général).
- Le système de financement des hôpitaux incite à la multiplication des actes et dissuade les prises en charge complexes :
- Les cliniques privées sont mieux rémunérées par l’argent public que les hôpitaux publics en laissant aux hôpitaux public les activités mal rémunérées (interventions risquées, formation et recherche médicale, IGAS 2009, p.3-5) et en profitant des coopérations hospitalières (Cdc 2011, p.39-41). Grâce à ces avantages et aux dépassements, les cliniques attirent les praticiens expérimentés des hôpitaux publics. Le système hospitalier devient donc de plus en plus dépendant des fonds d’investissements étrangers propriétaires d’une part croissante de cliniques françaises
- Autres évaluations Tarification A l’Activité à résumer
- L’efficience
des prises en charge hospitalière est jugée plutôt limitée, mais en
amélioration :
- Cour des comptes sur ambulatoires et autres à résumer
- Les assurances « complémentaires » impliquent des surcoûts de gestion particulièrement élevés
:
o Les frais de
gestion représentent plus de 7,2 Mds d’euros en 2016
(dont 2,8 consacré à la communication) sur environ 40 Mds d’euros de
cotisations et des remboursements limités à 26 Mds d’euros (soit près de 18% de coût de gestion contre moins
de 5% pour l’assurance maladie).
o
Les cotisations
sont ainsi passées de 468 euros/an en 2006 à 688 euros/an en 2017 (dont 30%
liés à la fiscalité) Jusqu’à 1 euro sur 2 cotisés ! UFC
juin 2018)
o
Pourtant, une part des
activités de gestion ne relèvent que des régimes de base : délivrer des attestations de couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) et aide au paiement
d’une complémentaire santé (ACS) ou des admissions en affection de longue durée
(ALD). Par ailleurs, les régimes de base reçoivent en première instance les
feuilles de soins papier, plus coûteuses en gestion que les feuilles
électroniques, puis les transmettent sous forme dématérialisée aux organismes
complémentaires qui ont
signé
la convention d’échange NOEMIE. Comptes
Santé 2016
-
Les pratiques de la plupart des complémentaires augmentent la complexité du
système et sa capacité d’adaptation :
o
Plus
de 80% des français estiment que les tarifs des complémentaires sont ambigus
(notamment quant à l’utilisation du « 100% » qui s’applique parfois
au tarif de base « conventionné » par la sécurité sociale et parfois
au tarif effectivement payé incluant les dépassements) ;
o
Plus
de 50% des français ne connaissent pas à l’avance leurs remboursements pour des
soins non récurrents, ce qui participe au report ou au renoncement aux soins,
notamment les plus importants (actes chirurgicaux par exemple) ;
o
La
multiplicité des complémentaires et de leurs règles de prise en charge induit
des temps de travail supplémentaires pour les médecins libéraux, hôpitaux et
pharmaciens et a constitué le frein principal à la généralisation du tiers
payant (qui pourrait réduire pourtant fortement les reports ou renconcements
aux soins).
- Les
tarifications, remboursements et prescriptions des médicaments sont
encadrés par des décisions du Ministère de la Santé (et de l’Economie) pour les
tarifs négociés avec les laboratoires), suite à des
avis de commissions d’experts
Principales
modalités/conditions
|
Coût/avantage
par bénéficiaire
|
Dépense
publique /an (2016)
|
Principaux
« résultats »
|
Evaluations de
l’efficacité / efficience*
|
Impacts
éco / sociaux*
|
|
Médicaments
remboursables (85% du total des médicaments) achetés en pharmacies (85%) ou par
les hôpitaux (15%)
|
Autorisation de vente décidée par l’ANSM
Avis sur le remboursement (à 15, 30, 65 ou 100%) par
la HAS et décision Ministère
Prix négocié par le CEPS
|
540 €/an
(par habitant)
|
~ 29 Mds €
(74% des 39 Mds de dépenses totales)
|
1470 unités par habitant/an (vs. 1070 en Europe)
|
- /
- -
|
- / +
|
L’efficience
des systèmes de tarification et de prescription des médicaments est
particulièrement dégradée en France : pour les 8 principales classes de médicaments, la France est le 2nd
pays européen en termes de consommation (48 boîtes par habitants et par an) et
largement le 1er en termes de dépenses par habitant. Ces dépenses
étant supérieures d’environ + 50% par rapport au Royaume-Uni et jusqu’à + 80%
de plus qu’au Pays-Bas (AM 2016). Or ce coût
élevé des dépenses de médicaments s’explique principalement par les tarifs trop
élevés et/ou les prescriptions trop importantes de médicaments souvent peu
efficaces :
o
Plus de 10 Mds €/an de remboursements de médicaments (sur un total de 30 Mds €/an) concernent des sur-prescriptions ou des sur-cotations de médicaments
jugés peu utiles par les autorités de santé et les travaux indépendants (Rapport
Even-Debré p.23). Pour autant les gouvernements depuis 2001
n’ont dé-remboursés qu’environ 25% des médicaments jugés insuffisants par l’HAS
en 2001, en refusant généralement de suivre ses avis, en particulier en 2007 (Sénat Médicament 2017).
Ces déremboursements ont alors eu des impacts d’autant plus limités qu’ils ont
principalement concerné des médicaments peu consommés et souvent remplacés par
d’autres plus coûteux.
o
En 2017, plus de 25% des médicaments dont le SMR a été jugé le plus faible sont
remboursés à 100 % et la majorité des médicaments à l’ASMR faible ou
inexistante (plus
de 95% des médicaments évalués par la HAS)
sont remboursés à 65%, avec des
coûts publics parfois très importants (exemple
du Plavix, plus de 30 fois plus cher que l’aspirine sans apport
significatif sur la plupart de ses prescriptions et qui a coûté plus de 400 M
d’euros/an à l’assurance maladie + Inexium anti-ulcéreux via des rabais aux
hôpitaux qui le prescrivent en post-hospitalisation en 2009 + 400 M d’euros/an
pour les anticoagulants Naco à 6 fois le prix des AVK en 2013…) ;
o
Des études
soulignent par ailleurs jusqu’à 40% de
sur-prescriptions (au moins 1 médicament peu utile), en particulier pour
les personnes âgées (Sénat Médicament 2017).
Un benchmark (Irdes 2005) comparant la prise en
charge des médicaments en Allemagne, Angleterre et France a conclu que les
importants écarts de dépenses entre ces pays s’expliquaient principalement par
les « comportements de
prescription ». De plus, une part importante de ces prescriptions inutiles sont
dangereuses, avec plusieurs milliers de décès directement liés dans le cas
du Médiator.
o
A ces
prescriptions de médicaments inutiles et parfois dangereuses s’ajoutent l’absence d’obligations de ventes à l’unité
qui entraîne plus de 15% de médicaments non-consommées, soit plus de 11% de dépenses
selon plusieurs expérimentations en France. Y compris sur des médicaments
prescrits plus précisément comme les antibiotiques, la vente à l’unité testée
dans une expérimentation
a permis de réduire de plus de 10% les volumes délivrés et les risques
d’automédication inadaptée. Cette absence de possibilité de vente à l’unité (ou
à la dose) est également le facteur majeur des prix effectifs élevés en France,
les laboratoires proposant des prix nettement plus élevés pour les petites
boîtes (ou petites doses) qui sont davantage prescrites que les plus grosses
(ex. du surcoût de 145 M d’euros pour un cas de médicament fortement prescrit
dont les « petites » doses sont 2 fois plus coûteuses que les
grandes, Sénat
Médicament 2017)
o
L’utilisation des médicaments génériques est croissante,
mais reste très inférieure à celle des pays voisins (voir graphique y
ci-dessous) et avec des prix davantage élevés. + explication . Pourtant, la CNAM (charges et produits 2015) estime l’économie
potentielle à environ 25 M d’euros par point de prescription supplémentaire,
soit environ 1,5 Mds d’euros avec le taux de prescription de l’Allemagne ou du
Royaume-Uni
- Une
explication majeure de ces surcoûts et sur-prescriptions sont principalement
expliqués par la formation pharmacologique des médecins et les décisions sur
les médicaments, qui sont principalement
financées et contrôlées par les laboratoires. Ceux-ci peuvent donc imposer sur
plusieurs décennies des médicaments à la fois inutiles et toxiques (IGAS Médiator 2011
+ Rapport
Even-Debré p.14). De même, dans le domaine alimentaire, la formation continue
sur la sécurité sanitaire des aliments est prise en charge par l’industrie
agro-alimentaire (ex. articles CE du 11/03/09 et du
19/01/11)
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