vendredi 21 septembre 2018

Quels facteurs communs aux problèmes d'efficacité des politiques publiques ?

L’analyse transversale des principaux problèmes d’efficacité et d’impact des différentes politiques publiques permet d’identifier 3 grands ensembles d’explications :

1. Les subventions et fiscalités soutiennent globalement l’inverse des objectifs visés par certaines politiques publiques et/ou favorisent des activités aux impacts négatifs sur l’emploi, le pouvoir d’achat et/ou la santé (notamment dans les domaines du logement, de l’emploi et de l’agriculture). Les tarifications constituent également un frein majeur aux objectifs affichés dans plusieurs domaines (notamment dans l’énergie, les transports et la santé) ;

2. Les délais (trop longs), dérogations (multiples) et sanctions (limitées) des administrations et de la justice aggravent l’inefficacité de la plupart des politiques publiques (notamment dans le logement, l’énergie, les transports et l’agriculture). Ces délais et l'absence d’application des règlementations aggrave certains problèmes publics (ex. pénurie de logement abordable, pollutions, précarité énergétique...) et augmente les dépenses publiques engagées pour les atténuer (en particulier les dépenses de santé et d’action sociale) ;

3. Les « grands » systèmes « sociaux » (retraite, famille et éducation-formation) ont des des règles qui impliquent des transferts allant de la majorité des ménages aux plus favorisés, les personnes en bénéficiant le moins étant paradoxalement ceux dont les besoins dans ces domaines sont les plus importants.
Parmi les multiples exemples à l’appui de ces constats, les principaux sont notamment :

1. L’inversion globale des fiscalités, tarifs et/ou subventions au regard des objectifs visés

o   Les fiscalités intervenant sur le logement sont 2 à 3 fois moins favorables à la production de logements (neufs ou sortis de vacance) qu’aux locations de courte durée (dont les rendements sont pourtant plus élevés), à la rétention foncière (= attendre une hausse des prix avant de vendre) ou à la construction de bureaux (qui impliquent des gains fiscaux pour les communes sans dépense scolaire ou familiale supplémentaire). Pourtant, les objectifs de production de logement (500 000 par an) ne sont jamais atteints, notamment en zone tendu où le déficit cumulé est supérieur à 1 million de logements (ce qui réduit fortement le pouvoir d’achat de la majorité des ménages) ;
o   Les cotisations (très peu modulées) et règles d’indemnisation (qui prennent en compte le salaire des jours travaillés et non le salaire moyen de la période) de l’assurance chômage rendent nettement plus rentable la succession de contrats courts que l’emploi continu à temps partiel. L’avantage concerne surtout les employeurs de certains secteurs (qui n’ont pas à financer les périodes de moindre activité ou les heures supplémentaires), mais également certains de leurs salariés (65% des salariés en contrat inférieur à 1 mois sont inscrits en demandeurs d’emploi vs. 17% en 1990). Pourtant, les + 120% de CDD de moins d’1 mois depuis 2000 représentent plus d’1/3 du nombre total de chômeurs et plus d’1/4 des coûts de gestion et d’indemnisation de l’assurance-chômage.
o   Les tarifs des énergies (notamment ceux du gaz) sont inférieurs de plus de 25% pour ceux qui consomment le plus, ce qui augmente d’autant la durée de rentabilisation des travaux de rénovation énergétique et n’incite donc pas aux comportements de modération des consommations. Les subventions et crédits d’impôt sur les travaux (de +ou- 20% à 30% des coûts dans la plupart des cas) sont donc annulés par ces tarifications « régressives » ;
o   Les poids lourds (surtout les + de 12 tonnes) financent moins de 10% du coût des infrastructures alors qu’ils représentent 80 à 90% des coûts d’entretien. En revanche, le fret ferroviaire, dont les impacts (économiques et sanitaires) sont nettement moins négatifs, finance la plupart de ses infrastructures, alors que celles-ci sont 30 fois moins développées (30 000 km de réseaux ferrés vs. 1 M de km de réseaux routiers) ;

2. Les effets aggravant des délais, contrôles et sanctions des administrations et de la justice

o   Le durcissement réglementaire et les longs délais d’autorisation constituent le frein majeur du développement de l’éolien en France (Rapport Cour des Comptes 2013 p.56 et 61) et sont également un frein majeur au développement encore émergent de la méthanisation. En matière d’urbanisme, en 2016, plus de 13 000 dossiers de contentieux ont été enregistrés en France et les délais moyens de jugement des recours contre les permis de construire ont été de 23 mois en 1ère instance, de 17 mois en appel et de 14 mois en cassation ;
o   L’interdiction des pesticides reconnus dangereux est généralement très longue et difficile à obtenir en raison du règlement européen 1107/2009 (Rapport phyto 2017). Même après la publication d’études indépendantes prouvant leur dangerosité, l’autorisation est « garantie » pour le délai initialement prévu, qui est souvent étendu. De plus, un produit alimentaire utilisant un pesticide dangereux peut toujours être importé dans un Etat ayant pourtant interdit ce pesticide ;
o   Les sanctions contre les marchands de sommeil sont relativement rares (moins de 100 par an, jusqu’à 10 fois moins que les signalements à la justice dans certains territoires) et souvent plus de 10 à 20 fois inférieures aux gains réalisés (lorsque ces sanctions sont obtenues), etc.

3. Le détournement du bénéfice des systèmes sociaux vers ceux qui en ont le moins besoin

o   Les systèmes de retraite, en particulier celui du public, valorisent les carrières les plus dynamiques et les plus grandes espérances de vie à la retraite et bénéficient donc davantage aux ménages les plus aisés (alors qu’ils disposent généralement d’un patrimoine et de revenus du patrimoine déjà importants). Les écarts de « rendement » entre salaires et prestations de retraite peuvent ainsi dépasser 200 000 euros (sur l’ensemble de la retraite) pour certaines catégories parmi les plus aisées, alors qu’une part importante des ouvriers et employés du privé percevront moins à la retraite que ce qu’ils ont cotisé ;
o   Le système de formation continue abouti à un accès nettement inférieur pour les personnes les moins qualifiées qui en ont pourtant le plus besoin (ex. 2 à 4 fois moins d’accès et d’heures de formations pour les demandeurs d’emploi et salariés les moins qualifiés que pour les salariés déjà qualifiés des grandes entreprises ou de la fonction publique). Cet accès limité fait suite à un accès très inégal à la formation supérieure initiale (plus de 4 fois inférieur pour les enfants d’ouvrier que pour ceux des cadres), principalement en raison des sélections opérées dans les filières « courtes ». Celles-ci sont en effet peu accessibles à la plupart des bacheliers professionnels (ou plus généralement à ceux dont les résultats scolaires sont « moyens »). Pourtant, ces filières sont nettement plus adaptées à ces profils que les licences universitaires (moins encadrées et davantage théoriques et « scolaires »).

Plus d’exemples de ces 3 constats transversaux sont détaillés dans les introductions des propositions chiffrées dont le détail par domaine est ici.


2 commentaires:

Benoit Lapierre a dit…

Un article très intéressant, j'ai beaucoup appris

Nicolas Desquinabo a dit…

Merci à vous pour ce commentaire !