mercredi 5 mars 2014

Evaluations des politiques du transport

Globalement, les principaux dispositifs de soutiens aux transports (voir tableau ci-dessous) ne permettent pas d’atteindre les objectifs généraux fixés à cette politique :

o   Les émissions de gaz à effet de serre des transports ont augmenté de 2% depuis 2008 contre 14% de réduction attendue et la réduction des autres pollutions et nuisances des transports est également limitée : les émissions de Dioxyde d’azote (NO2) et de Particules fines (PM 2.5 et PM 10) stagnent, (Comptes des transports). De plus, les émissions effectives… (dieselgate)

o   La circulation routière a même augmenté d’environ 10% depuis 2008 (à +ou- 600 Milliards de vehicules.km) et la consommation de carburants stagne depuis 2008 (à +ou- 50 Milliards de litres par an) après une augmentation de plus de 20% entre 1995 et 2008 (Comptes des transports) malgré la baisse des émissions de CO2 des véhicules neufs qui sont passées de 149 à 117 g de CO2/km entre 2007 et 2016 (-22% pour le parc neuf mais -5% seulement pour le parc total).

o   La part modale des transports collectifs non-aériens de voyageurs est encore inférieure à 19% contre +ou- 22% attendus en 2016 (et 25% visés en 2020) et la part modale du frêt ferroviaire et fluvial est encore inférieure à 12% des transports intérieurs de marchandises au lieu de s’approcher des 20% attendus en 2016 (vs. 23% en 1990, 13% en 2008 et 25% visés en 2022)


Principaux ensembles de dispositifs
Avantage                 
(en % et/ou € par km)
Dépense publique /an
(2012)
Les subventions au réseau routier financent l’ensemble des travaux de remise en état ou d’amélioration du réseau routier existant (routes, ponts, tunnels…), qu’il soit national, régional, départemental ou local (y compris la voirie des communes).
100% de subventions
de +ou- 0,3 M €/km (couche de surface) à+ou- 6 M €/km (2x2 voies « prioritaires »)
~ 20 Mds €
 (dont sécurité routière)
Les subventions au ferroviaire (développement, entretien et exploitation) sont surtout versées pour l’entretien et l’exploitation des lignes « régionales » à des tarifs inférieurs à leur coût. Ces subventions couvrent également les charges financières (~ 1,2 Md €/an) des dettes passées du ferroviaire
30 à 50% de +ou- 50 000 €/km (entretien « base ») à  +ou- 20 M €/km (voies LGV)
+ou-70% de subvention des 26 Mds de voyageurs.km « régionales » 

~ 9 Mds €

Les subventions aux transports en commun « locaux » soutiennent principalement l’exploitation des métros, tramways, bus et cars dont l’utilisation est proposée à un tarif inférieur de 40 à 70% à leur coût
40% (Idf) à 65% de subventions de 66 Mds de voyageurs.km dont ~ 60% en cars interurbains
 20% (Agglos) à 40% (Idf) de subventions de +ou- 3 M €/km (Bus en site propre) à 100 M €/km (Métro)


~ 8,5 Mds €
Principaux dispositifs « transports »

~ 38 Mds €  
Principales sources : Comptes des transports p.112-125 + PAP Ecologie et aménagement durable p.25-46
* A noter que +ou- 5000 km de routes locales supplémentaires sont comptabilisées chaque année (Comptes transports p.103), ce qui impliquerait qu’au moins 2 Mds €/an de dépenses de modernisation sont en fait du développement de routes locales (?)                               
** Ces dépenses constituaient manifestement la majorité des +ou- 25 Mds € /an d’investissements routiers réalisés dans les années 1960-1990 (ex. 80 000 km de nouvelles autoroutes et routes nationales lancées en 1960)
Transports de voyageurs :
- La part modale des transports collectifs non-aériens[1] de voyageurs est encore inférieure à 16% en 2012 contre +ou- 20% attendus (et 25% visés en 2020), soit 155 Mds de voyageurs.km[2] (+ 5 Mds depuis 2008) sur un total de 985 Mds de voyageurs.km en 2012 (Comptes des transports p.47-53), alors que le prix du gazole est nettement plus élevé qu’en 2008 (~1,40 € vs. 1,26 €/litre). Les transports en véhicule particulier n’ont augmenté que d’environ 2%, mais l’augmentation est conséquente (+ 15 Mds) compte tenu du volume de départ très important (environ 800 Mds de voyageurs.km en 2008 en intégrant les ~ 85 Mds de voyageurs.km réalisés par des étrangers en France). La grande majorité de ces voyages routiers sont « locaux » et seuls les déplacements routiers de plus de 100 km semblent en régression.
- La fréquentation des transports ferroviaires n’a augmenté que de 3% depuis 2008 (89 Mds de voyageurs.km en 2012 contre 86,5 Mds de voyageurs.km en 2008) : les fortes augmentations relatives des TER (12,5 à 14,2 Mds) et des Transiliens (11,3 à 12,1 Mds) et l’augmentation relativement plus limitée des TGV (52,3 à 54 Mds) ont été partiellement compensées par la chute des Intercités (10,1 à 8,7 Mds) dont ils ont en partie remplacé l’offre.

Principales modalités/conditions
Coût/avantage par km ou voyageur
Dépense publique / an
(2012)
Principaux résultats
Evaluations de l’efficacité / efficience*
Impacts 
éco / sociaux
Les subventions au ferroviaire (développement, entretien et exploitation) sont surtout versées pour l’entretien et l’exploitation des lignes « régionales » à des tarifs < à leur coût.
~ 30 à 50% de subvention des coûts d’entretien  
~ 70% de subvention des coûts d’exploitation des lignes régionales
50 000 €/km (entretien « base »)    à  +ou- 20 M €/km (construction de voies LGV)
~ 9 Mds € 
 dont :
Entretien ~ 2,5 Construction ~ 1,5
******
1000 km de voies et 300 aiguillages
26 Mds de voyageurs.km « régionaux »
 (+10%)
+ /  -
++ / +++
En effet, l’offre globale en trains-km n’a augmenté que de 1% depuis 2008 (~ 405 à 410 M de trains.km/an), mais il est probable que cette offre augmente plus fortement en 2016-2017, lorsque les LGV Tours-Bordeaux et Le Mans-Rennes seront mises en service. Plus globalement, les moyens publics investis dans le ferroviaire sont toujours très inférieurs à ceux investis dans les transports routiers, pourtant déjà très développé (voir tableaux ci-dessus)
- Concernant les trajets régionaux, l’évaluation des TER en Rhône-Alpes décrit une augmentation de la fréquentation (+50%) supérieure à celle de l’offre (+30%) entre 2002 et 2012, mais cet effet décroît progressivement : les heures de pointes étant déjà bien desservies, l’offre augmente surtout pour les heures creuses. Par ailleurs, une part de cet effort sur l’offre des TER ne fait que compenser la baisse de l’offre des Intercités (voir ci-dessus). Enfin, les reports modaux s’expliquent principalement par un facteur « externe » : le niveau d’engorgement des principaux réseaux routiers et leur évolution (+40% entre 2003 et 2010 autour de Lyon et de Grenoble). En conséquence, la part des Transports en Commun est donc passée de 10-15% en 2000 à 30-40% des km en 2008 pour les trajets domicile-travail vers Lyon et Grenoble, alors que cette part a stagné à 10% pour les autres déplacements régionaux.
- Identiquement, le rapport sur les transports franciliens a souligné que l’augmentation de la fréquentation du métro (+17%) et du Transilien (+24%) entre 2001 et 2009 n’a ni été précédée ni accompagnée par une hausse comparable de l’offre et a eu donc comme effet d’augmenter encore la saturation des lignes et les retards liés. Pour autant, la part modale très élevée des transports en commun en Ile de France (plus de 20% vs. moins de 10% dans les autres régions) s’explique principalement par le niveau très élevé de l’offre ferrée (~115 M de trains régionaux et métros vs ~150 M de km/an hors Ile de France), mais les déplacements routiers restent au final très importants en raison de la longueur des trajets et de la concentration des emplois dans la ville-centre (32% pour 19% des habitants).
- La fréquentation des Transports en Commun Urbains (TCU) a augmenté de plus de 10% depuis 2008 (26 à 28,5 Mds de voyageurs.km) avec une part toujours importante des TCU d’Ile de France (17,3 à 18,7 Mds de voyageurs.km hors trains « régionaux »).
  • Contrairement à l’offre ferroviaire régionale et interrégionale, l’offre globale de TCU a été fortement augmentée entre 2007 et 2012 : les lignes de transports en « site propre » (métros Dont les 115 km des RER A et B gérés par la RATP, tramways et bus en site propre) sont passées de 950 km à 1350 km et les km parcourus par l’ensemble des TCU sont passés d’environ 1 Md à plus de 1,15 Md (Certu 2012 p.470 + Certu 2009).
  • Comme pour les trains régionaux, le niveau d’engorgement des voies routières explique une part importante du report vers les transports en commun, mais les principaux facteurs explicatifs de la part modale des TCU sont en général le niveau de service de l’offre (la fréquence des passages) et sa vitesse commerciale (la vitesse moyenne effective, notamment aux heures de pointe).

Principales modalités/conditions
Coût/avantage par km ou voyageur
Dépense publique / an
(2012)
Principaux résultats
Evaluations de l’efficacité / efficience*
Impacts 
éco / sociaux
Les subventions aux transports en commun urbains soutiennent principalement (à 90%) l’exploitation des métros, tramways, bus et cars (hors scolaires) en permettant un tarif inférieur de 40 à 70% à leur coût
40% (Idf) à 65% de subventions de l’exploitation
 20% (Agglos) à 40% (Idf) de subventions des constructions
6 à 10 des 14c /km en exploitation
3 M €/km à 100 M €/km (Métro) en construction
~ 8,5 Mds € 
Agglos ≈ 3,2 Mds
STIF ≈ 3 Mds
Départ ≈ 2 Mds Etat ≈ 0,3 Md
66 Mds de voyageurs.km             dont 28 Mds de km hors cars interurbains
(+10%)
+ /  -
+ / +++
- La fréquentation des réseaux de TCU est fortement corrélée à la proportion des transports en site propre (TCSP) et/ou au niveau de service en général :
o    Les grands réseaux ont une fréquentation deux à trois fois plus élevée par kilomètre parcouru (Certu 2009) et à offre kilométrique comparable, les agglomérations ayant une part élevée de TCSP ont une fréquentation globale jusqu’à 3 fois supérieure à celle des agglomérations avec peu ou pas de TCSP (Certu 2010) A noter toutefois que cette différence de fréquentation semble plus limitée en volume de km en raison de la concentration des TCSP sur les petits trajets vers les centre-ville (Aperol).
  • Cette efficacité des transports en site propre permet par ailleurs de compenser leur coût kilométrique supérieur. En particulier, les bus en site propre ont une efficience très élevée : les coûts de développement et d’exploitation sont limités (4 à 10 fois inférieurs à ceux des tramways) alors que leur fréquentation est souvent comparable à celle des tramways et de certains métros (Certu 2010 p.30).
  • L’effet important d’une offre de TCU au moins aussi rapide que les trajets en automobile est notamment souligné par l’exemple de Paris : l’utilisation des transports collectifs y est d’environ 60% des voyageurs.km (vs. +ou- 20% dans les autres agglomérations de + de 300 000 habitants), la part de la voiture est de 6% des déplacements (vs. plus de 60% pour les déplacements entre villes de grande couronne) et la détention d’automobile de 40% (vs 80% en France, Enquête Nationale, p.179).   
- L’évolution la plus conforme aux objectifs prévus est celle des émissions de CO2 des véhicules neufs qui sont passées de 149 à 124 g de CO2/km entre 2007 et 2012 (-17% pour le parc neuf et -5% pour le parc total). Cette réduction des émissions des véhicules neufs est deux fois plus forte (-4g/an en moyenne) que dans la décennie précédente, ce qui suggère un effet significatif du bonus-malus.

Principales modalités/conditions
Coût/avantage par km ou voyageur
Dépense publique / an
(2012)
Principaux résultats
Evaluations de l’efficacité / efficience*
Impacts 
éco / sociaux
Le bonus-malus « véhicules propres »  permet de moduler le prix des véhicules neufs selon leurs émissions de CO2
Modulation des prix d’achat selon les CO2/km et le type d’émissions (ex. électrique)
- 3500 € (> à 230 g CO2/km) à + 6000 € (< à 20g CO2/km)
~ 0,3 M €  
 en 2008-2012
 500 €  pour 15% des achats (>140 g/km)
+ ? / + +
+ / +

Une évaluation de l’INSEE lui attribue cette évolution dans la mesure où l’augmentation des ventes de véhicules neufs les moins émissifs a été très nette entre les mois précédents et suivants la mise en place du bonus-malus début 2008. Cette évaluation estime en revanche que la mesure a globalement eu un impact défavorable sur les émissions de CO2 en augmentant la production de véhicules neufs dont l’impact est très important (5,5 tonnes de CO2 par tonne de véhicule). Mais cet effet d’augmentation des ventes n’a finalement été que temporaire et l’essentiel des nouveaux véhicules ont remplacé des véhicules plus anciens (le parc n’a été augmenté que de 800 000 véhicules en 5 ans alors que plus de 10 millions de véhicules neufs ont été achetés, Comptes de transports p.60-62).
- Cet effet probable du bonus-malus s’inscrit pourtant dans un contexte fiscal toujours défavorable en raison de la déduction des frais kilométriques de l’impôt sur le revenu.

Principales modalités/conditions
Coût/avantage par km ou voyageur
Dépense publique / an
(2012)
Principaux résultats
Evaluations de l’efficacité / efficience*
Impacts 
éco / sociaux
La déduction des frais kilométriques permet de déduire du revenu imposable un montant lié à la puissance du véhicule et au nombre de km domicile-travail
Ménages imposables Déduction de 0,3 à 0,75 puis 0,6 €/km depuis 2013
~ 300 €/an                (en moyenne)
Jusqu’à ?
~ 1,5 Md €
estimés
5 M de ménages 
- - / - - -
- - / - - -
Une évaluation récente (IDDRI 2012) a estimé que le choix par un ménage aisé d’une voiture émettant 175g au lieu de 120g de CO2/km lui procure un avantage fiscal de plus de 500 €, ce qui compense presque le malus (750 €). De plus, les barèmes des frais kilométriques favorisent l’extension des trajets entre le domicile et le travail, ne profitent pas aux 30% des ménages les moins aisés et sont principalement captés par les 30% des ménages les plus aisés. Enfin, cette déduction profite peu aux ménages aux revenus moyens qui sont les plus vulnérables aux hausses du prix des carburants (IDDRI 2012 vulnérabilité)
Transports de marchandises :
- La part modale du frêt ferroviaire et fluvial est encore inférieure à 12,5% des transports intérieurs de marchandises au lieu de s’approcher des 16% attendus en 2012 (vs. 23% en 1990, 13% en 2008 et 25% visés en 2022), soit 40 Mds de tonnes.km dont 32,5 Mds en ferroviaire (- 6 Mds depuis 2008) et toujours ~7,5 Mds en fluvial sur un total de 325 Mds de tonnes.km en 2012 (Comptes des transports p.31).
o   Comme pour les transports de voyageurs, cette contre-performance est pourtant réalisée dans un contexte de hausse du prix du gazole (~1,40 €/litre en 2012 vs. 1,26 €/litre en 2008).
o   Les transports routiers ont également baissé (328 à 283 Mds de tonnes.km), mais dans une moindre mesure (– 13% vs. – 19%), ce qui explique la légère régression de la part modale du frêt non-routier.
o   Le transport routier international représente toujours environ 40% des tonnes.km (~ 105 Mds dont 95 Mds par des entreprises étrangères). A l’intérieur de ce transport international, 40% est du transit (~ 43 Mds) et le cabotage réalisé par des entreprises étrangères est la seule activité en hausse depuis 2008 (~ 5 à 6 Mds de tonnes.km).
- Cette stagnation de la part du frêt ferroviaire suit une chute d’environ 50% depuis 1990, alors que sur la même période, le frêt ferroviaire a maintenu en Allemagne sa part modale à +ou- 18% (et le frêt fluvial à ~ 10%). La principale explication de cette différence avec l’Allemagne est la part dans l’économie des « marchandises » les plus transportées par le fer (25 à 40% des combustibles, matières premières et produits métallurgiques). En revanche, les différences de part du transport ferré des produits « manufacturés » (9% vs. 18%) et les évolutions contrastées entre 2004 et 2009 entre les deux pays ne s’expliquent ni par les évolutions des structures de production ni par celles des prix moyens de la tonne.km entre le fer (stable à ~0,04 € dans les deux pays) et la route (stables à ~0,13 € en France et ~0,10 € en Allemagne). Les rapports du Sénat et du CGDD de 2010 soulignent principalement les effets de la dégradation de la fiabilité du frêt ferroviaire français, en partie en raison de l’organisation inadaptée de la SNCF et en partie en raison des « goulets » d’étranglement (Lyon, Nîmes, Dijon…) et de lignes non électrifiées sur certains trajets (Nantes-Lyon, Amiens-Dijon…).
- Fondé en partie sur ce diagnostic, l’engagement national pour le frêt ferroviaire (2009-2020) doit notamment permettre de développer les autoroutes ferroviaires, d’électrifier certaines parties de lignes prioritaires et surtout de supprimer les principaux goulots d’étranglement du réseau ferré, en développant les contournements ferroviaires de Lyon et Nîmes-Montpellier (environ 60% des 750 M €/an prévus d’ici 2020). Comme pour les transports ferroviaires de voyageurs, la plus grande partie de cette politique ne pourra donc être évaluée avant les mises en service des nouvelles lignes (prévues pour 2017 et 2019). En revanche, le soutien aux autoroutes ferroviaires a déjà des premiers résultats : le seul type de frêt ferroviaire en hausse est le transport de semi-remorques (+ 1 Md de tonnes.km depuis 2008) notamment grâce à l’augmentation des rotations sur l’autoroute ferroviaire entre le Luxembourg et Perpignan.
- En parallèle, l’écotaxe Poids Lourds devait être mise en place en 2011 puis en 2013 et est actuellement « gelée » en raison des manifestations de novembre 2013. L’ « éco-taxe poids lourds » devait permettre de collecter une redevance kilométrique sur les poids lourds variable selon le tonnage et le nombre d’essieux (0,08 €/km pour les 3,5 à 12 tonnes à 0,14 €/km pour les 4 essieux et +) et modulés selon les émissions de polluants (+ou- 20%) afin de mieux les faire contribuer à l’entretien de 15 000 km du réseau routier principal non soumis à un péage et au développement de réseaux ferrés alternatifs. En raison des récentes manifestations, la mise en œuvre de cette taxe prévue pour 2011 a de nouveau été reportée Une étude d’impact de cette mesure avait été menée en 2009 avec des hypothèses proches des modalités prévues en 2013 (0,12 €/km en moyenne pour les plus de 3,5 tonnes sur 15 000 km de réseau routier « principal mais sans péage » sur lesquels circulent environ 35% du trafic des poids lourds). Compte tenu de l’augmentation limitée du coût du transport routier occasionné (+ou- 4%), d’une sensibilité prix « habituelle » de 0,4[3] et des possibilités de report vers d’autres réseaux non taxés, les principaux effets estimés étaient des reports d’environ 25% du trafic vers d’autres routes (+ou- 16% vers les autoroutes, 6% vers le réseau départemental non taxé et 3% vers les réseaux frontaliers belges et allemands) contre seulement 1% de report modal vers le frêt ferroviaire ou fluvial, soit une réduction limitée à 0,3% du total des véhicules.km de poids lourds. Cet effet massif de « contournement » pourrait être accentué par l’obligation pour les chargeurs d’accepter une majoration des prix (4,8% en 2013 pour les déplacements interrégionaux). Afin d’augmenter leurs marges, certains transporteurs pourraient en effet préférer des reports de trafics qui seront d’autant plus nuisibles que les véhicules seront chargés et les routes fragiles et/ou traversant des zones habitées.
- Cet effet principal de « contournement » géographique est d’ailleurs à l’origine de l’expérimentation de l’écotaxe poids lourds en Alsace. Cette région a en effet subit un report de trafic sur ses autoroutes (gratuites) dû à l’écotaxe allemande estimé à 2000 camions/jour (soit +ou- 120 M de véhicules.km/an). Les autres effets constatés de ce type de taxe en Suisse et en Allemagne ont été la baisse du tonnage et des émissions des poids lourds utilisés afin d’optimiser les coûts de transports (CGDD 2009 p.15). Ce type de taxe a donc permis de limiter et de compenser une part des coûts collectifs du frêt routier, dont notamment les dépenses d’entretien des routes principales (imputables entre 80 à 95% aux poids lourds de classes 2 et 3), mais n’a eu que peu d’effet de report modal vers le ferré ou le fluvial. Le projet d’écotaxe français conduirait donc à taxer trop fortement les poids lourds de catégorie 1 (notamment les moins de 10 tonnes) et beaucoup trop légèrement les poids lourds de catégories 2 et 3 (+ou- 80% du trafic)


[1] Le transport aérien est marginal dans les voyages intérieurs (1,5%, soit 14 Mds de voyageurs.km), mais le transport aérien total ajoute environ 110 M de voyages internationaux (en majorité vers et depuis l’Europe) aux 23 M de voyages métropole-métropole, soit au moins 200 Mds de voyageurs.km dont environ 110 Mds de voyageurs.km par des Français.
[2] La fréquentation des transports de voyageurs est principalement mesurée en « voyageurs.km » en multipliant le nombre de km et de voyageurs, ce qui rend équivalent 200 km seul en voiture ou 10km dans un train de 20 passagers (= 200 voyageurs.km)
[3] Une hausse générale des coûts du frêt routier de 1% a comme effet (moyen) de réduire de 0,4% le trafic de frêt routier lorsque les autres facteurs importants sont stables (activité économique générale, prix des alternatives, etc.)

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